Gevalt, anti-Semitism!

Israël est aujourd’hui l’endroit le plus dangereux au monde pour les juifs. Depuis son établissement, plus de juifs y ont été tués ou blessés dans des guerres ou attaques terroristes que nul part ailleurs. La guerre de Gaza aussi mis en danger les juifs du monde, comme aucun conflit ne l’avait fait auparavant. Le foyer juif, le refuge national, ne sert non seulement pas de refuge, mais en plus il menace les juifs partout ailleurs. Lorsque vous faites le bilan de la guerre, ajoutez ceci dans la colonne des pertes.

Une vague d’animosité s’est abattue sur l’opinion publique mondiale. En contraste avec la suffisante et aveugle opinion publique israélienne, les gens à l’étranger ont vu les photos de Gaza et ont été atterrés. Aucune personne consciente n’aurait pu y rester insensible. Le choc s’est transformé en une haine contre l’Etat qui a fait tout cela, et dans des cas extrêmes cette haine a aussi faire sortir l’antisémitisme de sa tanière. Oui, il y a de l’antisémitisme dans le monde, même au 21ème siècle, et Israël l’a alimenté. Israël l’a nourri avec d’abondantes excuses à la haine.

Mais tout sentiment anti-israélien n’est pas de l’antisémitisme. L’opposé est vrai – la plus grande partie de la critique d’Israël reste fondée et morale. L’antisémitisme, raciste comme toute haine nationale, a émergé en marge de cette critique – et Israël est indirectement responsable de cette apparition.

Mais Israël et l’establishment juif de diaspora étiquette automatiquement toute critique comme antisémite. C’est un vieux truc – le fardeau de la culpabilité est transféré de ceux qui ont commis les horreurs de Gaza à ceux qui sont entachés d’un soi-disant antisémitisme. Ce n’est pas nous, c’est vous, monde antisémite. Quoi qu’Israël fasse, le monde entier est contre lui.

Ceci n’a ni queue ni tête, bien entendu. Chaque policier qui donne à un conducteur juif une amende n’est pas antisémite, comme les organisations juives essaient de le tourner, et chaque vol d’un rabbin n’est pas un crime haineux, donc chaque critique d’Israël n’est pas motivée par la haine des juifs.

Ces organisations sont devenues les paratonnerres de la critique d’Israël et l’ont attiré sur eux. Ceci est le prix de leur soutien aveugle à Israël, leurs campagnes de propagandes bruyantes au nom d’Israël, le fait d’avoir transformé chaque centre communautaire juif en une agence de relations publiques pour Israël, et leur soutien unanime à tout ce qu’Israël fait. Nous ne sommes tous qu’un peuple, qu’ils disent. Dans ce cas, si chaque juif qui ose s’opposer à Israël, même lorsqu’il adopte une conduite brutale, est un juif haineux de lui-même – alors tout le monde en porte la responsabilité.

Quelques juifs étrangers m’ont envoyé des messages effrayants pendant la guerre, me priant d’arrêter d’écrire mes articles, de cesser ma critique, parce que les antisémites l’utilisent. Je leur répond à tous que même en prenant l’ensemble de mes articles, le statut d’Israël en a été moins affecté que par un seul reportage filmé à Gaza. Je connais aussi de nombreuses personnes qui conservent de la sympathie pour Israël précisément à cause des vestiges d’une société libre, une société qui accepte la critique.

Dans tous les cas, le responsable de la peur des juifs devrait être l’Etat d’Israël. Beaucoup de juifs se sentent déjà effrayés. Une partie de la peur est peut être exagérée, une autre partie justifiée. Il semble que le fait que d’être un musulman en Europe reste plus difficile que d’être un juif. Mais à Paris, les juifs n’osent pas mettre de kippa, en Belgique une femme n’a pas été acceptée dans un magasin parce qu’elle était juive, et un journaliste français, qui a visité Alger la semaine dernière, m’a dit que la haine pour Israël et les juifs en France a atteint un niveau sans précédent.

C’est Israël qui doit être blâmé pour tout ceci, car c’est Israël qui est responsable de Gaza.

Quiconque a peur pour le destin des juifs, quiconque est choqué par les incidents antisémites, aurait du y réfléchir avant de mener Israël dans autre guerre. Le monde n’est pas toujours contre Israël. Il suffit de se rappeler le statut d’Israël durant la période d’Oslo, lorsque le monde entier l’encourageait, y compris des parties du monde arabe. Ce monde sera heureux de pouvoir embrasser Israël à nous, si ce pays change son comportement brutal et dominateur.

Gevalt, antisémitisme ? Peut être. Mais Israël met le feu aux poudres.

Gidéon Lévy - Haaretz