Le monde médiatique unanime promeut un tableau exclusivement négatif du Salafisme, généralement considéré comme une « déformation » de l’Islam. Une approche qui ne donne jamais la parole aux principaux intéressés, dont l’argumentaire est totalement absent du débat ; une approche qui, dès lors, ne permet pas d’appréhender les motivations de ces dizaines de milliers de combattants, qui s’enrôlent dans les rangs de l’armée de l’État islamique (en Irak, en Syrie, dans le Sinaï égyptien, en Lybie, dans les capitales européennes…) –qualifiés de « terroristes » qui « salissent l’Islam »- ; une approche qui ne permet pas non plus de s’interroger sur le fait que, peut-être, l’Islam, dans ses fondements originels et dans ses principes intrinsèques, n’est ni adaptable à toute forme de société , ni agréable à toute idéologie.
Il était déontologiquement nécessaire, à l’aune de la philosophie de notre média, de prendre le risque de détonner une fois encore et de déchirer le voile mainstream, pour donner la parole à « l’autre camp ».
Le journalisme ne devrait jamais avoir d’autre préoccupation que celle des moyens de faire éclater la vérité. Et, pour cela, il est parfois nécessaire de prendre le risque de déranger, de désorienter un lectorat habitué au consensus, voire de lui déplaire : le journaliste doit savoir résister au confort qu’il peut trouver à se conformer au leitmotiv dominant et à s’autocensurer afin de produire des contenus sans histoire, lisses et politiquement corrects.
Aujourd’hui, écouter un prédicateur salafiste (l’ennemi !) et aller ainsi à la rencontre de celui que tout le monde, uniformément, hait (sans pour autant le connaître), c’est incontestablement la mission d’un journalisme d’investigation honnête et soucieux de la vérité.
Toutefois, dans le contexte actuel de « chasse aux sorcières », même sous couvert de l’anonymat, presque aucun des imams salafistes contactés en France, en Belgique et en Grande-Bretagne n’a voulu s’exprimer, (à juste titre) méfiants à l’égard des médias.
Un imam (proche du Recteur de la Grande Mosquée de Paris, ce qu’il m’a autorisé à mentionner) a toutefois accepté l’entretien, à la condition que son nom ne soit pas révélé.
J’ai fidèlement retranscrit dans ce reportage ses réponses à mes questions, sans rien en retrancher, et l’argumentaire sans concession qu’il oppose à « l’Islam de France ».
(La première partie de cet entretien a été publiée dans l’édition de mars 2016 du Courrier du Maghreb et de l’Orient)
Pierre Piccinin da Prata – Dans la première partie de notre entretien, vous avez défini l’Islam comme un ensemble de règles strictes, à suivre scrupuleusement ; des règles simples, précises, et qui ne souffrent aucune « interprétation », transmises par Dieu au Prophète Mohamed et rassemblées dans le Coran…
– Faudrait-il donc ainsi réinterpréter le Coran en permanence, parce qu’il ne correspondrait « plus » à la modernité ?
En quelque sorte, il faudrait, selon certains, le « moderniser », et en changer l’entendement, et donc l’enseignement qui ne devrait plus être le même que celui du temps du Prophète, un enseignement qui serait alors… obsolète ? La parole de Dieu serait obsolète ? C’est impossible ! Le Coran, en effet, n’a pas été écrit par les hommes, comme le furent la Tora ou les Évangiles : il est la parole de Dieu révélée à son Messager –la paix et la bénédiction sur lui.
La loi dictée par Dieu, selon ceux-là, serait donc imparfaite ? Il faudrait l’améliorer par des interprétations humaines ?
Un hadith dit que, le jour de la résurrection, le Prophète –la paix et la bénédiction sur lui- sera rejoint par ceux qui l’avaient écouté de son vivant. Certains, cependant, seront chassés et repoussés vers l’Enfer par le jugement de Dieu. Le Prophète dira alors : « Ils faisaient partie de ma communauté ». Et il lui sera répondu : « Tu ne sais pas quelles innovations ils ont introduit après toi ! » Et le Prophète répondra dès lors : « Arrière ! Arrière ! Vous qui vous êtes détournés de ma tradition ! »
Le problème n’est pas que le Coran n’est « plus adapté » à notre temps ; c’est que la philosophie occidentale, qui s’est emparée du monde, est devenue la référence, y compris pour beaucoup de Musulmans. Or, cette philosophie est souvent en opposition avec le Coran et l’Islam.
Autrement dit, il faut faire un choix entre cette philosophie et l’Islam. Il est impie de prétendre « adapter » le Coran aux valeurs prônées par cette philosophie, en le réinterprétant, et cela parce l’on ne voudrait pas renoncer à des « facilités », des « commodités », qui sont à proprement parler autant de vices à bannir du comportement islamique.
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes qui corrompent sa parole.
Et c’est bien d’un code de lois qu’il s’agit en effet. Des règles simples, oui, et qu’il n’est nullement besoin de torturer et de tordre à travers des « interprétations » qui finissent et par en déformer le sens et par les détourner de leurs objectifs.
Ce sont les lois de Dieu. Un code simple, donné il y a plusieurs siècles, à des gens simples… et des lois qui étaient dès lors intelligibles par eux, sans qu’il fût besoin de recourir à de doctes savants pour dire aux fidèles que ceci devait être compris ainsi et cela autrement. Ces lois sont donc simples à comprendre, immédiatement accessibles à tous. Je l’ai dit : elles sont sans finasserie, sans tromperie. Il n’y a pas de piège, pas de roublardise dans la parole de Dieu. Lire le Coran, c’est connaître la loi ; s’y conformer, c’est être musulman.
Chaque homme peut donc être un bon Musulman, s’il se conforme à ces règles clairement exprimées, sans essayer de les « interpréter » pour justifier ses vices ou de les « adapter » à ses « habitudes », à des habitudes sociales et sociétales qui n’appartiennent pas au Coran, qui n’appartiennent pas à l’Islam. D’où la perversité de « l’Islam de France », qui plie les lois de Dieu aux réalités d’une société qui n’est pas musulmane et à ses us et coutumes qui ne sont pas musulmans.
Le Coran n’a pas été inspiré et rédigé par des hommes, comme il en fut des livres des Juifs et des Chrétiens, qui sont corrompus d’erreurs. Il est incréé, révélé directement par Dieu. Éternel, irréfutable et irréformable.
Le Coran n’est pas survenu pour seulement répondre aux questions d’une époque qui serait révolue. Ce n’est pas un « vieux manuscrit » dépassé qui ne répondrait qu’à un contexte ancien et révolu. Ce n’est pas le produit culturel et matériel d’une société passée ; c’est la révélation divine ! Ce n’est pas l’artefact d’une société ancienne disparue –c’est peut-être ainsi que le considèrent des historiens athées, mais pas un croyant. Ce n’est pas une trace historique, témoignage d’une expression culturelle morte. Le Coran est universel et intemporel. Ce que dit le Coran reste vrai pour toujours, que ce soit à Paris, à Londres ou à La Mecque. Si tu n’es pas convaincu de cela, tu n’es pas musulman.
Le Coran dit : « La parole de Dieu s’est révélée en toute vérité et équité. Nul ne peut modifier Ses paroles. » [ndlr : Coran, 6, 115]
Dieu n’a pas limité dans le temps la pertinence de ses lois.
Rejeter la vérité du Coran, c’est rejeter le droit de Dieu. Et, cela, c’est préférer l’ignorance criminelle.
La suite est à lire sur le site lecourrierdumaghrebetdelorient.info, dont le rédacteur en chef est Pierre Piccinin da PRATA que nous avions eu le plaisir d’écouter lors de notre conférence Que se passe-t-il en Syrie ?
Attention : les propos tenus par l’interviewé n’engagent que lui. En aucun cas l’Agence Info Libre ne cautionne ce discours.