Vendredi 9 janvier 2015, Marseille.
« Maman maman, je suis Charlie ET Omar moi ». La maman sourit. Le boucher du coin a écrit sur son ardoise à l’entrée « Je suis Charlie ». Un cycliste passe avec une feuille en guise de drapeau avec inscrit « Je suis Charlie ». Charly Pizza, lui n’a même pas besoin de communiquer sur le sujet. Son présentoir est plein de consommateurs avides de pizzas bon marché et… de « selfies » devant la devanture. Risible, pathétique, génial (rayez les mentions inutiles). Toute la France est désormais « CHARLIE », plus besoin de le chercher.
Même moi, je me sentais un peu CHARLIE au début. Et ce malgré mes fortes divergences avec le journal. C’est dire.
Il aura suffi d’une heure donc pour vérifier ce que les deux derniers jours avaient laissé poindre : l’émotion est incommensurable.
Comment ne pas être choqué, indigné, foudroyé par ce massacre ? 12 personnes mortes pour quelques dessins provoc’ !
Comment ne pas se sentir solidaire des familles et des journalistes qui font le tour des plateaux télé et radio pour hurler leurs peines à la face cathodique du monde ?
Quelles que soient les opinions politiques et les oppositions idéologiques, il aura été impossible aux français de succomber à la vague de tristesse qui a ensevelie l’hexagone (entre deux espaces publicitaires, faut quand même pas déconner!)
Pourtant certains ont vu dans cette boucherie rouge pastel un moyen de se faire de l’argent. Un gros paquet d’argent. À croire que les cadavres sont une terre fertile à la culture des billets. Ce commerce de l’indécence est le fait de certains individus opportunistes MAIS AUSSI le fait des « survivants » de Charlie Hebdo qui a vu dans cet événement un bon moyen de renflouer les caisses à peu de frais.
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Du médiocre opportunisme des petits…
Dès le massacre annoncé, l’esprit collectif meurtri faisait naître l’idiome et l’image libre de tout droit« JE SUIS CHARLIE ». #je suischarlie pour les révoltés 2.0. Une affirmation exprimant toute la solidarité du peuple français envers ce que d’aucun considère comme étant le pire attentat que la France ait connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Solidarité donc des uns et… opportunité pour les autres. Au même moment sont apparus sur différents sites de créations personnalisés des boutiques « Je suis Charlie ». Pas bête la bête, autant en tirer profit. Les gens se réunissent
Voilà donc ce que nous pouvons trouver sur ces sites :
Des Tshirts à 17,90€ !
Des mugs à 17,90€ (histoire de penser à ce moment de bonheur tous les matins!)
Des Porte clés à 18,30€ (la palme!)
Etc…
Ce commerce de la honte n’est le fait que de quelques personnes et ne fera pas naître des fortunes. Néanmoins il est symptomatique d’individus dépourvus de tout sens moral. Ce n’est pas tant le fait de le faire qui est gênant que le fait d’y avoir pensé. Se jeter sur le net dès le massacre, acheter les noms de domaine jesuischarlie.com, jesuischarlie.fr, jesuischarlie.net, jesuischarlie.etunconnard, pour y vendre de la m*rde chinoise à prix d’or puisque frappée de la fameuse affirmation «JESUISCHARLIE », voilà un mode de pensée à l’image de notre monde destructurée.
Mais cette manière de penser n’est malheureusement pas uniquement le fait de « freeriders » soucieux d’arracher au gâteau capitaliste des miettes nauséabondes. Il est aussi et surtout le fait des survivants de CHARLIE HEBDO eux mêmes !
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À la voracité lucrative des rescapés EUX MÊMES.
Alors que les 12 cadavres perforés jonchaient encore le sol froid du local , un murmure à commencé à se faire entendre dans les médias. Ce murmure qui, en moins de 24h, est devenu une exhortation.
« Toi, derrière ta TV, qui es choqué(e), meurtri(e), et qui veut que la liberté d’expression soit préservée. Tu te DOIS d’acheter désormais à Charlie Hebdo. C’est une dépense d’intérêt public ! »
Pour que vous donniez votre argent, encore faut il qu’il y ait quelque chose à vendre. Et c’est ce que les « SURVIVANTS » viennent immédiatement préciser dans les médias à grand coup de larmes et de snifff !
Patrick PELLOUX, chroniqueur à CHARLIE HEBDO.
Laurent LEGER, journaliste à CHARLIE HEBDO, présent lors de la tuerie.
LUZ, dessinateur à CHARLIE HEBDO.
Et puisque quand il n’y en a plus, il y en a encore, les politiques et les journalistes vous enjoignent également à rejoindre le mouvement et à acheter Charlie Hebdo. Sarkozy, Delanoé, Hidalgo, etc..
Et ça marche : plus de 10,000 abonnements en ligne souscrit en 48h et des promesses record de vente !
Et puisque la sauce prend, autant en refourguer un paquet ! C’est ainsi que ni une ni deux, le journal qui imprimait péniblement 60,000 exemplaires semaine (et n’en vendait que 30,000!) imprimera cette fois ci 1,000,000 d’exemplaires. Oui oui, 1 million. Il ne faudrait pas que les presses manquent de numéro. Et comme on n’est pas assez pour faire un vrai journal, on fera un journal deux fois plus petit (de 16 à 8 pages). À 2€ le numéro, le sang sera la meilleure des publicités.
Chassez le capitalisme, il revient au galop !
Et comme si cela ne suffisait, deux tirelires valant mieux qu’une, vous pouvez toujours faire un don :
Si je compatis à la vue d’une Jeannette Bougrab traumatisée par la perte de son compagnon, si je me sens totalement solidaire des familles de ces gens qui n’ont commis de crimes que de dessiner avec provocation (ou d’être simplement là, n’oublions pas qu’il n’y avait pas que des journalistes de Charlie Hebdo!), je ne peux ressentir autre chose qu’une envie de vomir lorsque je vois ces individus souillaient les cadavres de leurs compagnons en venant dans les médias vendre leur future camelote.
« Il faut profiter de chaque instant » dit le dicton. Profitons donc de la vague de solidarité dont on bénéficie avec la mort de nos amis pour faire du fric et sauver Charlie Hebdo.
Mais est ce le plus important, sérieusement ?
Est ce que la liberté d’expression n’existe que par et pour CHARLIE HEBDO. Voilà des hommes qui ne pensent qu’à faire du fric. Comment pourrais je penser autrement ?
Dans une certaine mesure, ils sont pires que nos vendeurs de gadgets pitoyables car ils n’ont pas vraiment besoin de s’avilir pour le lucre. En effet, tous ont des positions sociales et un poids désormais tel que personne n’aurait osé les laisser dans le besoin.
Avoir la décence d’attendre les funérailles de leurs amis, histoire que le temps sèche les gouttes de sang sur les crayons ne leur auraient rien coûté. Pire, tout le monde aurait trouvé cela normal !
Mais non, faire du fric étant primordial dans notre société, il va leur être facile d’utiliser les corps de leurs « soit disant » compagnons comme de l’engrais et faire ainsi pousser les millions.
Voilà pourquoi je ne serais pas leur CHARLIE. Je ne veux pas être la victime consentante de cette récupération commerciale. Je n’achetais pas leur journal hier et je ne le ferai pas demain. La mémoire ne se résume pas à du papier journal ou du papier monnaie.
Ps: Comme les « bonnes choses » n’arrivent jamais seules, voici la publicité qu’a essayée de lancer « les 3 suisses ». No comment!
Greg-Ilan.