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Israël : un allié discret de la Russie

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Source : Mondialisation.ca

yakov rabkin

Par Yakov Rabkin, le 4 décembre 2014

« Depuis qu’ont commencé les sanctions occidentales contre la Russie, je vois beaucoup de produits alimentaires israéliens dans les magasins. L’avocat, le radis, la carotte, la pomme de terre – tout vient d’Israël », m’a assuré un ami moscovite avec qui je viens de parler au téléphone. Je voulais avoir un témoignage oculaire de ce qu’avait annoncé le ministre israélien d’agriculture Yaïr Shamir. Il avait promis d’occuper sans tarder la part du marché russe qui appartenait auparavant aux compagnies européennes. Israël, lui aussi, subit des sanctions de la part de l’Union européenne qui veut ainsi restreindre la colonisation israélienne des territoires conquis en juin 1967. Il est donc logique qu’Israël ne soit guère motivé de suivre les Européens dans ses relations avec la Russie.

Si « la relation spéciale » qu’Israël entretient avec les Etats-Unis est bien connue, ses rapports avec la Russie n’en sont pas moins particuliers. Le projet sioniste à la base de l’actuel État d’Israël était mis en pratique au début du dernier siècle largement par des ressortissants russes. Ils ont formé les premières élites, et la présence russe dans les cercles dirigeants de l’État sioniste reste importante. Le président de la Knesset est né en Ukraine et a grandi en Russie soviétique, le président de la commission parlementaire des relations extérieures est également soviétique d’origine, le ministre des affaires étrangères, lui aussi, est issu de l’ancienne URSS. Israël abrite la plus grande diaspora russophone, plus d’un million de personnes. Des dizaines de vols quotidiens lient Israël à toutes les grandes villes de la Russie. Il y a quelques années les deux ont aboli l’exigence du visa, ce qui a grandement contribué au volume touristique. Le président russe a inauguré à Netanya, au bord de la Méditerranée, un monument aux soldats soviétiques dont plus de vingt millions sont morts dans la Seconde guerre mondiale. Par ailleurs, Poutine y a trouvé son institutrice d’école qui avait émigré en Israël de sa Leningrad natale et lui a offert un appartement qui convient à son âge et l’état de santé. Il n’est pas étonnant que Vladimir Poutine ait remarqué : « Israël, c’est un peu la Russie ».

Mais au-delà de la langue, des anecdotes et des sentiments, il y a des intérêts communs qui lient les deux pays. Même si Israël a profité considérablement du démantèlement de l’Union soviétique, jadis un allié des pays arabes hostiles à Israël, il est depuis plusieurs années mal à l’aise avec la dépendance des Etats-Unis et ses remontrances occasionnelles. C’est dans l’effort de réduire cette dépendance et de diversifier ses appuis à travers le monde qu’Israël, puissance militaire et nucléaire redoutable, a tissé des liens stratégiques avec trois puissances nucléaires indépendantes : la Chine, l’Inde et la Russie. Ces liens ne se limitent pas à l’exportation des légumes. Israël et la Russie ont fabriqué ensemble des drones fournis à l’armée indienne, la Chine a utilisé l’expertise israélienne dans la réforme de l’Armée de libération populaire, et l’équipement israélien de sécurité a servi lors des Jeux olympique à Sotchi. Gazprom, le géant d’hydrocarbures, a signé plusieurs contrats avec Israël et avec les Palestiniens qui se trouvent sous le contrôle israélien. En considérant les intérêts régionaux d’Israël, la Russie a annulé la vente de son système de défense anti-aérienne S-300 à l’Iran. Les avantages paraissent donc réciproques et équilibrés.

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