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Attentat de Karachi : le témoignage qui révèle les mensonges de la DST

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Le Monde

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Personne ne connaît son nom. Dans le dossier d’instruction de l’attentat de Karachi, qui a fait quinze morts dont onze employés français de la Direction des constructions navales (DCN) le 8 mai 2002 au Pakistan, il apparaît sous son seul alias : « Verger ». Verger est un ancien agent de la Direction de surveillance du territoire (DST), l’ancêtre de la DGSI. Il n’avait encore jamais été entendu par la justice. C’est désormais chose faite. A la faveur d’un tour de passe-passe inédit, les magistrats instructeurs sont parvenus à contourner le secret-défense qui leur est opposé depuis le début de cette enquête.

Le témoignage de Verger, que Le Monde a pu consulter, a été déclassifié par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, le 23 octobre. Il vient confirmer des informations longtemps tues par les responsables des services de renseignement : la DST, chargée en 2002 de l’enquête sur l’attentat, avait bel et bien travaillé dès les années 1990 sur un certain Ali Ben Moussalem, aujourd’hui considéré comme un personnage clé de l’affaire.

Note AIL : pour aller plus loin, nous mettons à votre disposition l’article que nous avions écrit dans la Lettre d’Analyses et d’Informations Libre n°2 (Avril 2015).

Les affaires réglées en quelques heures et Karachi

 En 2012, l’affaire Merah, c’est sept morts. Dossier rondement mené par l’Etat Français car l’auteur des tueries de Toulouse a été liquidé dans son appartement. Qui était Mohamed Merah ? Quelles étaient ses relations avec les services de renseignement français ?

Janvier 2015, ce sont les attentats de Paris par les frères Kouachi et Amedy Coulbaly : dix-sept morts. Les trois protagonistes ont, là aussi, été liquidés. Comment se sont-ils procurés les armes ? Ont-ils eu des soutiens ? Ont-ils des proches connaissances susceptibles de passer à l’acte ?

Autant de questions qui risquent de rester sans réponse.

En revanche, il est des affaires où l’Etat français semble peu pressé de faire toute la lumière : Karachi en est le parfait symbole. L’explosion du bus de la Direction des Constructions Navales (DCN) au Pakistan qui fera quinze victimes, dont onze français, célébrera son treizième anniversaire le 8 mai prochain. Mais, à ce jour, les familles des victimes n’ont toujours pas eu la réponse à cette question : que s’est-il passé ce jour maudit de 2002 ? Pourquoi la France veut-elle cacher les causes et les responsables de cet attentat ?

Al-Qaïda, derrière les attentats ?

Retour sur cette affaire aux multiples rebondissements : en 1994, le gouvernement Balladur signe avec le Pakistan un contrat d’un montant de 5.4 milliards de francs pour la livraison de trois sous-marins militaires d’attaque type Agosta. Les bâtiments sont assemblés au Pakistan, transfert de compétences oblige. Des salariés de la DCN sont dépêchés sur place. La livraison du premier sous-marin au Pakistan date de 1999, mais le 8 mai 2002, comme tous les matins, les salariés de la DCN partent sur le chantier en bus. Le véhicule est soufflé par l’explosion de 50 kg de TNT lorsqu’un kamikaze se portant à hauteur des malheureux déclenche sa charge.

Tous les hommes politiques sont unanimes : la vérité doit être faite sur cette affaire.

Nous sommes un peu plus d’an après le 11 septembre et les regards se tournent immédiatement vers l’organisation d’Oussama Ben Laden : Al Qaida. Les autorités pakistanaises, la police et les services secrets pakistanais (ISI) penchent vers cette piste et le juge antiterroriste français de l’époque en charge du dossier, Jean-Louis Bruguière, suit ses homologues pakistanais.

Après un an d’enquête, trois hommes liés à Al-Qaïda sont arrêtés, jugés coupables et condamnés à mort. En 2007, Jean-Louis Bruguière conclut à l’attentat islamiste, l’affaire semble terminée.

La justice à la sauce française

Pourtant, le juge antiterroriste français aurait dû tenir compte de plusieurs pièces essentielles mais non retenues dans le dossier, dont des photos de la scène du crime, des notes de service et autres témoignages. Autant d’éléments qui lui auraient permis d’appréhender l’affaire d’une toute autre manière.

De son côté, la DCN a mené sa propre enquête dès le lendemain de l’attentat, par l’intermédiaire d’un ancien agent de renseignement français. Ses conclusions se trouvent dans un rapport nommé « Nautilus » qui contredisent totalement les conclusions du juge Bruguière : selon ce rapport, l’attentat a été réalisé grâce à des soutiens au sein de l’armée et des services de renseignement pakistanais, l’ISI, en rétorsion à des rétrocommissions contractuelles non payées par l’Etat Français d’une valeur de 120 millions d’euros.

Pourquoi la DCN n’a pas communiqué ces éléments à la justice ? Peut-être parce qu’elle dépendait directement du Ministre de la Défense ?

En 2007, Nicolas Sarkozy est élu Président de la République et Jean-Louis Bruguière quitte son poste de juge pour se présenter aux élections législatives sous l’étiquette UMP, il sera battu.

Il faut savoir que Jean-Louis Bruguière fait (ou faisait) parti du groupe de réflexion (think tank)  américain « Rand Corporation ». La Rand Corporation est un institut américain, fondé en 1945 par l’US Air Force. Son objectif est « d’améliorer la politique et le processus décisionnel par la recherche et l’analyse ». Quelques uns de ses membres sont bien connus du public :  Frank Carlucci (ancien directeur adjoint de la CIA). Pascal Lamy (ancien directeur de l’OMC), Paul O’Neil (ancien secrétaire au Trésor de G.W Bush), Condoleezza Rice (ancienne secrétaire d’Etat de G.W Bush) ou encore Donald Rumsfeld (ancien secrétaire à la défense de G.W Bush). La crème de la crème des mondialistes.

Retour à la case départ

 Après le départ de Jean-Louis Bruguière, c’est le jeune juge Marc Trévidic qui reprend le dossier. Le rapport « Nautilus » est révélé au public ainsi qu’un mémorandum rédigé par le directeur administratif et financier de la DCN, Gérard-Philippe Manayas, dans lequel figure tous les mécanismes de corruption d’Etat concernant les contrats d’armement et notamment lors du contrat Agosta, mettant en cause le financement de la campagne présidentielle malheureuse d’Edouard Balladur en 1994. Il décrit la manière dont les rétrocommissions passent de sociétés en sociétés et de banques en banques pour brouiller les pistes via le réseau « K » : trois hommes de l’ombre chargés de récupérer l’argent pour le reverser en France : Ziad Takiedine, Ali Ben Moussalam et Abdul Raman Al Assir. On soupçonne même Ali Ben Moussalam, proche de la famille royale saoudienne, d’avoir financé des mouvements terroristes. Le total des rétrocommissions approche les 350 millions d’euros !

Au centre de ce système, une société luxembourgeoise nommée Heine, créée avec l’aval de Nicolas Sarkozy, Ministre du Budget de l’époque. Les autres sociétés et banques se trouvent toutes dans des paradis fiscaux, hors d’atteinte de la justice. Roland Dumas, Président du Conseil Constitutionnel à l’époque, a avoué il y a peu que les comptes de campagnes de Balladur et Chirac étaient « manifestement irréguliers ».

En 2009, coup de théâtre. La haute cour de justice du Pakistan annule la condamnation des trois islamistes supposés : l’enquête a été bâclée et ne reposait sur rien. Visiblement, les officiels pakistanais voulaient en finir rapidement avec le dossier Karachi.

Le juge Trévidic se concentre alors sur la seule piste sérieuse : les rétrocommissions liées au contrat Agosta. Avant 2000, curieusement, ces pots-de-vin sur les contrats d’armement n’étaient pas illégaux, cette forme de « corruption » était autorisée par un vide juridique. Les griefs ne portent donc pas sur ces subsides, puisque le contrat a été signé en 1994, mais sur les soupçons du retour de cet argent dans les caisses de campagne d’Edouard Balladur.

Il faut savoir que cette année là, le parti politique d’Edouard Balladur, l’UDF, manquait cruellement d’argent, indispensable pour une campagne présidentielle. Le trésor de guerre était  jalousement gardé par Jacques Chirac, Maire de Paris, Président du RPR et également candidat. L’équipe Balladur était composée principalement de François Léotard, Gérard Longuet mais surtout de Nicolas Sarkozy, porte-parole de Balladur et Ministre du Budget. Il était parfaitement informé sur le contrat signé avec le Pakistan, y compris sur les rétrocommissions.

Le secret d’Etat plus fort que la vérité

Le juge Trévidic, porté par la volonté politique affichée de faire toute la vérité sur cette affaire, demande à avoir accès à toutes les pièces du dossier et la déclassification de celles couvertes par le secret défense. Il n’obtiendra jamais les documents demandés.

Bernard Cazeneuve, Député-Maire de Cherbourg (siège de la DCN) au moment de l’attentat, tentera de faire avancer l’affaire mais se heurtera également à la même raison d’Etat et à la défiance des politiques de tous bords quant à son action sur ce dossier.

Aujourd’hui Ministre de l’Intérieur, a-t-il essayé de faire avancer cette affaire ? Certainement pas. Après les attentats de Paris, ne sera-t-il pas le premier à se déclarer l’ennemi des théories complotistes, car elles constitueraient le terreau des djihadistes ?

Si quelques journalistes n’avaient pas fait leur travail, les attentats de Karachi seraient toujours attribués à Al-Qaïda. Toute autre hypothèse, une théorie du complot.

Le Parti socialiste ne peut pas se permettre d’ouvrir la boite de pandore : les rétrocommissions étaient légales jusqu’en 2000, lui aussi en a profité. On se souvient encore de  l’affaire des frégates de Taïwan en 1991 qui a débouché sur un non-lieu. Encore mieux, les marchés truqués d’île de France qu’il se partageait avec la droite.

 Il faut sauver le soldat UMPS

Une autre cause à la chape de plomb posée sur l’affaire Agosta, c’est Alain Richard, Ministre de la Défense de 1997 à 2002 qui nous le révèle : « Quand nous avons été élu, le parti de Le Pen recevait le soutien de 15% de nos concitoyens. Quand Jospin avait manqué la présidentielle de peu, pareil. C’était évident pour un enfant de 12 ans, que si à notre initiative, dans le but d’informer le public, 98% des gens auraient pensé que c’était pour discréditer nos poursuivants, cette controverse se serait poursuivie dans l’ambiance la plus écœurante et le résultat concret c’est que Le Pen serait passé à 20%. »

Politique politicienne écœurante.

Voilà maintenant que les portes de l’Elysée s’ouvrent à nouveau pour le principal acteur de cette affaire, Nicolas Sarkozy. Celui-ci déclarait le 25 mars 2015 dans un Tweet :  » On ne construit rien sur le mensonge. On construit sur la franchise ». Stupéfiant ! Il avait déjà tenté, lors de sa présidence, de supprimer la fonction de Juge d’instruction et la remplacer par un super procureur aux ordres de l’Etat. Cela aurait sans nul doute contribué à faire disparaître les nombreux dossiers où son nom apparaît et réduit les non moins nombreux juges qui doivent nettoyer les écuries d’Augias. Il serait dommage d’être mis en inculpation, en situation d’inéligibilité, quand la voie royale s’ouvre à nouveau pour 2017.

Edouard Balladur pourra tranquillement mourir de vieillesse sans jamais avoir été inquiété.

L’affaire Karachi finira sans doute, au grand dam des familles encore endeuillées, par un non lieu général. Il fait parti de ces crimes dont on ne veut pas parler. Nous sommes donc Charlie-Karachi.

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Commentaires récents

  1. nofutur

    Donner des leçons au reste du monde n’est valable que si l’on n’ a pas à en recevoir ! En la matière nous ferions mieux de fermer notre gueule . . .

  2. maxi-procès

    seul un POOL ANTI-MAFIA en VIGI-CONSTITUTIONNELLE Régionale, viable H24/7, pourrait agir encore plus efficacement que nos douaniers

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