Leur ministre de tutelle, Stephane Le Foll, l’affirme sans ambages, « je me refuse à désigner les coupables ». En qualité de petit-fils d’agriculteur, il semblerait que les différents strapontins politiques qu’il a occupés ont sérieusement altéré sa mémoire. La crise agricole, telle que le perçoit le Français de la ville serait dû à la simple cupidité des intermédiaires entre eux et le consommateur.
S’il fallait remonter à la source du mal, c’est sans aucun doute vers le traité de Rome de 1958 qu’il faudrait tourner les yeux. Son application, à partir de 1962 avait pour but de régenter l’agriculture européenne dans des domaines aussi variés que l’agriculture performante, un modèle agricole européen, la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement.
De facto, les technocrates décidèrent de ce que le monde agricole devait être depuis leurs bureaux et ce dans des domaines aussi vastes que l’élevage, les productions céréalières, la viticulture, l’agriculture, le maraîchage, la pêche, en fait, tout ce qui concerne la production alimentaire. La Politique Agricole Commune (PAC) était née.
Ils pensaient mieux penser que ces paysans qui cultivaient leurs terres depuis plus de vingt siècles, qui avaient amélioré leurs différents cheptels pour en faire, il y a encore 50 ans, les meilleurs du monde et les plus adaptés à leurs terroirs.
Sous la promesse de lendemains qui chantent, ils ont imposé une agriculture de rendement qui, dans les premiers temps, grâce aux généreuses subventions, a rapidement provoqué une surproduction dès les années 70.
À travers ces différentes réformes majeures, le poids de la PAC dans le budget communautaire est passé de près de 80 % dans les années 1980 à 33% aujourd’hui. L’Angleterre, ainsi que différents organismes supranationaux, font pression pour diminuer encore ce budget. Dans ce kolkhozes créé par l’Union Européenne, les intérêts de quelques-uns ne sont pas ceux des autres.
La mécanisation a permis de multiplier la productivité par deux, trois, voire quatre selon les secteurs avec deux à trois fois moins de besoins en main d’œuvre. Malheureusement pour les paysans, ces « progrès » n’ont pas amélioré leurs revenus mais juste les profits des différents cartels agroalimentaires et de la distribution, qui eux ont bien pris soin de délocaliser leurs impôts.
Comble d’ironie, les paysans se sont endettés à vie pour financer ce matériel de plus en plus coûteux. Actuellement, un éleveur gagne en moyenne 12000€ par an pour un temps de travail de 2500 heures annuels (alors qu’il se situe à 1500 heures pour les autres). Son endettement moyen est de 200 000 euros et son taux de suicide est le plus élevé de toutes les catégories sociales. Le paysan est donc tombé dans un état de servage au profit du libéralisme instauré par la traité de Rome. On est bien loin du cliché réducteur et bêtifiant de l’émission de télé-réalité « L’Amour est dans le pré ».
La France compte environ 500 000 exploitations agricoles. En 20 ans, leur nombre a baissé de plus de la moitié, le plus souvent faute de repreneurs. Cette disparition a entraîné la concentration de la production, une exploitation agricole s’établit à 80 hectares aujourd’hui contre 42 en moyenne en 1988. La spécialisation est également un objectif atteint, seulement 60 000 exploitations en 2004 sont de type mixte, c’est-à-dire « associant de façon équilibrée plusieurs types de cultures ou d’élevages, elles étaient 70 000 en 2000». La spécialisation concerne aussi la biodiversité. Depuis le début du siècle, 75% de la diversité génétique des plantes cultivées a été perdue. En revanche, l’objectif d’augmentation des surfaces cultivées est loin d’être rempli. Tout au contraire, actuellement l’agriculture occupe 29 millions d’hectares, que ce soit en surface agricole utilisée ou en territoire agricole non cultivé. Cette superficie représente 54% du territoire métropolitain français contre 72% en 1950. 82 000 hectares de terres agricoles se perdent chaque année en France, soit 26m² par seconde !
À l’heure du village global, les profiteurs de la dérégulation se frottent les mains quand ils mettent en concurrence des filières complètes assommées de mises aux normes pour complaire aux écolo-tartuffes européistes qui sont capables de réintroduire le loup en France puis de financer des brigades pour protéger les troupeaux. Ils ne valent pas mieux que leurs prédécesseurs qui financèrent l’abattage systématique de haies bocagères pour, dix ans plus tard, offrir des primes pour les replanter. Toutes les cultures en Restanques de Provence ont été abandonnées, alors qu’elles servaient de pare-feu, au bon plaisir de cette même PAC qui occasionne chaque année des feux catastrophiques en terme de surface (4000 Ha par an) et de coût.
Les 24 mesures du plan d’aide aux agriculteurs ne sont que de la poudre aux yeux pour offrir des vacances plus calmes à nos ministres. Les 600 millions d’euros d’aides ne serviront qu’à mieux remplir les caisses de ceux qui profitent de cette situation, se transformeront en dividendes, mais seront encore à la charge du contribuable. Il est à remarquer que le gouvernement n’envoie pas de CRS pour calmer les paysans, alors que les forces de l’ordre ne se sont pas privées de matraquer femmes et enfants lors de différentes manifestations récentes.
Il faut saluer les paysans qui ouvrent la voie à tous ceux qui voudraient se faire entendre dans un avenir très prochain. Ils commencent à comprendre qu’il faut se regrouper non plus par spécialité mais par corporation. Gageons que les manifestations populaires changent de forme et prennent exemple de la solidarité qu’il va falloir montrer quand aux malheurs à venir. Ce sujet sera développé dans le prochain numéro de la lettre AIL.