Dans son journal de 13 heures du 8 février 2016, France 2 a utilisé des images de frappes russes sur des cibles de l’État islamique afin d’illustrer le combat de la coalition occidentale.
Syrie : le groupe État islamique affaibli mais loin d’être anéanti
Dans le même temps, le reportage nous apprend que les frappes de la coalition sont minimes par rapport à celle des russes. Seuls les États-Unis semblent être en action contre l’État islamique, ce qui corrobore les déclarations du chef du Pentagone, Ashton Carter, qui déclarait récemment que certains partenaires de la coalition dans la guerre contre l’État islamique « ne font rien ». On voit d’ailleurs le nombre ridicule de frappes françaises : 17 frappes depuis septembre 2015, soit 3 frappes par mois !!!
Dans un récent article de la lettre AIL, nous évoquions les frappes françaises contre l’État islamique. Voici l’article en question, tiré de la Lettre d’Analyses et d’Informations Libre :
France-Syrie, relations houleuses
La France a annoncé le 27 septembre dernier une action militaire en Syrie prétextant la » légitime défense » pour se justifier avec le droit Internationale, quoi qu’il est tout autant légitime de se demander quelle défense le gouvernement français prétend légitime ?
Pourquoi la France a-t-elle soudainement pris cette initiative militaire ? Quels intérêts la France défend elle en Syrie ? La compréhension de cet épineux dossier impose de le présenter sous un angle historique car les relations diplomatiques entre la France et la Syrie sont faites de hauts et de bas depuis le coup d’état d’Hafez Al-Assad en 1970. Outre les incompréhensions entre ces deux pays, il faut souligner également les erreurs diplomatiques françaises qui ont marquées les relations entre les deux pays. Lorsque BHL et les Charlie se sont émus de l’utilisation des armes chimiques sur sa population de la part de Bachar Al-Assad en 2014 (il a été démontré par le MIT que l’attaque chimique de la Ghouta en 2014 était imputable aux terroristes modérés). Il ne faut pas oublier que la Syrie n’aurait jamais eu accès à cette technologie de mort sans l’aide directe de la France !
Naissance de la Syrie sous occupation française
Sous domination ottomane pendant quatre siècles jusqu’au terme de la première guerre Mondiale, l’histoire de la Syrie va basculer. Alors que la boucherie n’est pas encore terminée, se prépare en secret, le partage du Moyen-Orient entre Anglais et Français : ce sont les accords Sykes-picot du 16 mai 1916, conclu entre les diplomates Sir Mark Sykes et François George-Picot sous l’oeil bienveillant de la Russie et de l’Italie mais contre les Ottomans et les intérêts allemands. L’avidité anglaise pour les champs pétrolifères du Moyen-Orient auraient dû réveiller la méfiance des français, qui depuis l’affaire de Fachoda se voyaient régulièrement volés par l’Angleterre tous ses projets en Egypte et tout le long du Nil. Cette même Angleterre qui pour garder le contrôle de l’économie mondiale voulait absolument empêcher toutes les liaisons ferroviaires indispensables au développement des peuples du monde. Ils annihilèrent le projet de Gabriel Hanotaux qui prévoyait une ligne reliant Dakar au port de Djibouti, celui de Witte en Russie et la liaison transsibérienne et finalement le projet allemand Berlin-Bagdad.
Il faut se rappeler que l’Angleterre a poussé l’Europe dans la première guerre Mondiale pour contrecarrer le développement économique allemand et s’emparer des ressources énergétiques de l’Empire Ottoman. Alors que la France supportait le gros de l’attaque allemande, les Anglais lançaient leurs forces dans la campagne de Mésopotamie pour s’emparer du pétrole de l’Irak. Durant cette bataille, les Anglais perdirent 90 000 hommes.
Les accords de 1916 prévoyaient la plus grosse partie du gâteau à l’Angleterre qui se réservait l’Irak et la Palestine alors que la France héritait de la Syrie et du Liban. L’accord fut entériné et légalisé par un mandat de la Société Des Nations (ancêtre de l’ONU) en 1920 lors de la conférence de San Remo.
La population civile syrienne n’a jamais accepté l’occupation française et la division du pays en provinces et se révolta régulièrement (1925, 1928). En 1937, la France a offert la province syrienne du nord ouest de Sandjak d’Alexandrette à la Turquie, chose qui ne sera jamais pardonnée aux français. Comble d’ironie, cette province sert aujourd’hui de base arrière à la rébellion syrienne. Le 29 mai 1945, la France ira jusqu’à bombarder Damas pendant deux jours faisant des milliers de victimes pour mater une révolte. En 1946, suite à des manifestations, la France est contrainte de quitter la Syrie qui déclare son indépendance et devient membre des Nations Unies.
La Syrie connut de nombreuses guerres intestines, de révolutions et de coup d’états pendant vingt cinq ans jusqu’à l’avènement d’Hafez Al-Assad, déjà présent dans la politique interne et bénéficiant du mécontentement populaire suite à la prise du Golan par Israël lors de la guerre des six jours. Le nouveau potentat organisa une purge pour prendre les rênes du pays le 16 Novembre 1970. Il est élu président de la République le 12 mars 1971 et stabilisa le pays d’une main de fer pendant trente ans.
L’épisode Louis Delamare
En Syrie, les sunnites représentent plus des trois-quarts de la population, le clan Al-Assad, Alaouite et les autres communautés religieuses (Chiite, Druze, Chrétien, Kurde) sont largement minoritaires. A plusieurs reprises, les extrémistes sunnites, des Frères Musulmans, essayèrent de déstabiliser le pouvoir en perpétrant des attentats contre le parti Baas arguant leur manque de représentation en Syrie. Les représailles d’Hafez Al-Assad furent sanglantes comme en 1982 dans la ville de Hama où des quartiers entiers furent rasés dans l’indignation générale mais très discrète.
Les Frères Musulmans, chassés de Syrie iront se réfugier en Irak, en Egypte, en Afghanistan. Ce sont ces mêmes personnes qui aujourd’hui sont de retour pour prendre la tête des multiples groupes de rébellion contre Bachar Al-Assad.
Le clan Al-Assad n’a réussi à garder le pouvoir que par une répression féroce et une corruption endémique. Ces minorités n’ont aucune chance de survie en Syrie si d’aventure les sunnites prenaient le pouvoir. Dans ce contexte, il faut comprendre que si les sunnites modérés ont pu coexister avec la mosaïque religieuse et ethnique composant la Syrie, le contraire est impossible.
Au début des années 80, suite au retrait français de Syrie, les relations diplomatiques sont maintenues sur fond de discorde sur les cas du Liban et de la Palestine. La Syrie voulant expressément garder le contrôle du pays du cèdre ainsi que la mainmise sur les Palestiniens et le processus de paix avec Israël. En 1981, l’ambassadeur français en Syrie, Louis Delamare, le paiera de sa vie : les services secrets syriens envoyèrent, à travers cet assassinat, un avertissement solennel à la France de ne plus s’approcher de Yasser Arafat, très peu apprécié du clan Al-Assad. La réponse française fut immédiate et violente avec le plastiquage du parti Baas à Damas. Le pouvoir syrien répliqua par une série d’attentats en France comme celui du magazine antisyrien Al-Watan al-arabi, le 22 avril 1982 à Paris.
La France aide la Syrie dans son acquisition des armes chimiques
Alors que le mode de gouvernance d’Hafez Al-Assad est connu de tous, la France prend part activement à la formation des ingénieurs qui développèrent les armes chimiques et biologiques du régime de Damas. Cette coopération dura six ans, de 1975 à 1981 avec comme point d’orgue l’ouverture du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS) à Damas. Pendant des années, la France et la Syrie procédèrent à des échanges universitaires permettant aux meilleurs élèves syriens d’intégrer les meilleurs écoles d’ingénieurs françaises.
Plus incroyable encore, des produits chimiques permettant la fabrication d’armes, ont été livré par des occidentaux : l’Allemagne, l’Angleterre, la France, la Suisse, l’Autriche et la Hollande. S’il est de bon ton de blâmer Bachar Al-Assad pour l’utilisation des armes chimiques, l’amnésie est générales concernant ceux pour qui l’argent n’a pas d’odeur et le commerce des produits de mort n’a pas de frontière.
A la fin de la décennie, après une nouvelle intervention française au Liban, pour soutenir les forces anti-syriennes (général Aoun), la guerre civile qui se termina avec la naissance de l’organisation chiite Hezbollah. 16 000 militaires syriens s’installèrent au pays du cèdre jusqu’en 2005. Damas retira ses troupes sous la pression de la « communauté internationale ». La Syrie soutient toujours le Hezbollah, première force militaire du Liban. Israël s’est lui aussi retiré du sud Liban en 2000, laissant place aux casques bleus de l’ONU mais contrôle toujours la région syrienne du Golan et les fermes de Chebaa.
Bachar Al-Assad pour l’ouverture
A l’arrivée de Jacques Chirac aux responsabilités en 1995, celui-ci voulut normaliser les relations diplomatiques avec la Syrie. Flanqué de son ami et conseiller pour le Moyen-Orient Rafik Hariri, le libanais anti-syrien (et pro Arabie saoudite), il va approcher une première fois Bachar Al-Assad en 1999. Celui-ci n’avait encore aucune responsabilité dans son pays mais avait été désigné pour succéder à son père après la mort accidentelle de son frère Bassel en 1994. L’objectif étant de desserrer l’étau syrien sur le Liban en essayant d’influencer Hafez via le fils, mais aussi de préparer la succession du leader vieillissant.
A la mort d’Hafez Al-Assad en 2000, Bachar pris la tête de la Syrie. Ses premières années au pouvoir se déroulèrent sur fond d’ouverture et de réformes dans les domaines politiques, médiatiques, économiques sous l’oeil désapprobateur de la vieille garde baasiste qui voulait voir Bachar Al-Assad reprendre les anciennes habitudes du régime.
Durant ces années fastes entre la Syrie et la France, les entreprises françaises en tireront un maximum de profits.
Sous la pression continue de son entourage et de ses cousins, puis les attentats du 11 septembre 2001 lorsque George Bush plaça la Syrie dans la liste des pays de l’axe du Mal, le nouveau président syrien mis un terme au « printemps syrien ». Le président étasunien reprochait à Damas de laisser passer des terroristes vers l’Irak et de mettre en danger ses GI’s. Il faut tout de même savoir que Bachar Al-Assad avait expressément demandé une aide internationale et du matériel pour couvrir les 600 km de frontière entre les deux pays. Aide qui lui sera refusée.
Le point de non retour fut l’assassinat de Rafik Hariri en février 2005, dont l’enquête n’a toujours pas prouvé l’implication direct du régime syrien. Notons que Jacques Chirac, très affecté par la mort d’Hariri, n’ordonna pas un arrêt définitif du commerce avec la Syrie : deux hélicoptères types 365 N Eurocopter furent livrés à Damas et la France, via son champion de la communication, Alcatel, coopéra avec le régime afin d’installer un système de télécommunication sécurisé au profit des plus hauts dirigeants politiques du pays.
Les relations entre la Syrie et la France restèrent tendues jusqu’ à la fin du quinquennat de Jacques Chirac. Celui-ci se rapprocha des Etats-Unis et se mis d’accord avec George Bush pour casser l’arc chiite (Liban, Syrie, Iran). Il faut ici parler de l’opération secrète de la CIA baptisée « Kanaa » dont le but était de renverser Bachar Al-Assad via l’un de ses responsables de la sécurité. Cette opération fut cachée à la France et se solda par un échec. Pour le président français et ses successeurs, l’idée principale était qu’un blocus économique provoquerait la fin rapide du régime de Damas. Malgré la crise diplomatique avec l’Occident, la Syrie continua de collaborer avec Paris, notamment à propos des djihadistes français partis faire la guerre sainte au Moyen-Orient. Paris fut d’ailleurs accusé de laisser Damas les interroger et les torturer à leur place.
Sarkozy remplace Chirac et invite Al-Assad à Paris
Avec l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, la France normalisa ses relations diplomatiques avec la Syrie : Bachar Al-Assad fut invité le 14 juillet 2008 au grand dam du clan « Chiraquien ». En 2010, La Syrie a besoin de 50 milliards d’euros pour rénover ses infrastructures. La France, prompt a promouvoir ses entreprises, remit ses grands principes au placard, et courtisa de nouveau le régime.
Mars 2011 à Deraa, ville du sud du pays, marqua le début de la révolte. Celle-ci fut immédiatement récupérée par les islamistes venus d’Arabie saoudite et du Koweït[1]. Les manifestants firent tomber la statue d’Hafez Al-Assad, c’était le point de non retour. Outre le rôle de l’Arabie Saoudite dans la propagande de guerre via des journaux fraîchement mis en place, le Qatar dont les relations diplomatiques avec la Syrie étaient très bonnes jusqu’ici, s’occupa de propager et financer la flamme révolutionnaire dans tout le pays.
Il faut noter que de petits groupes de mercenaires français étaient présents aux cotés des rebelles, notamment le groupe Abou Baqir. Ceux-ci et tous les journalistes, quitteront précipitamment la Syrie via le Liban lorsque la situation se dégrada et que les groupes extrémistes sunnites déferlèrent en Syrie.
Mars 2012, La France et l’Angleterre décidèrent de fermer leurs ambassades à Damas, les privant ainsi d’informations sur place, ce qui ne fut pas le cas des autres nations.
L’arrivée au pouvoir de Hollande ne marqua aucun changement dans la politique étrangère envers la Syrie. Selon le journal Britannique, The Guardian, la Russie avait proposé le départ de Bachar Al-Assad. Vitaly Churkin, ambassadeur Russe auprès des nations Unis confia trois conseils :
«Un: nous ne devons pas donner d’armes à l’opposition. Deux: nous devons mettre en place un dialogue entre l’opposition et Assad maintenant. Trois: nous devons trouver une façon élégante pour qu’Assad se retire.»
La France, en tête, suivie de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis ont refusé, persuadés que le président syrien comptait ses dernières heures à ce poste. Mais malgré la guerre civile et un blocus économique, le régime de Damas ne montrait aucun signe de faiblesse. Il ne restait plus que l’intervention militaire.
La diabolisation de Bachar Al-Assad qui s’en suivie, coupable de bombardements chimiques sur sa population, avait pour objectif de renforcer Paris dans son idée d’intervention directe. Le président syrien a certainement utilisé les armes chimiques mais celles en territoires ennemis ont été récupérées par les extrémistes et utilisées elles aussi, ce que semblent oublier les diplomates français, Fabius en tête pour qui « Bachar Al-Assad ne mérite pas d’être sur terre ». Notre très cher Ministre se retrouve cependant empêtré lorsqu’un de nos journalistes lui démontre que le bombardement de la Goutha, fin Août 2014, était certainement l’œuvre des extrémistes sunnites, selon des chercheurs étasuniens du MIT. Le 27 septembre 2015, la France menait ses premières frappes sur la Syrie après que notre cher président a été invité à retourner faire ses virées nocturnes en scooter, par Barack Obama, en 2014 lorsqu’il voulu attaquer sans aucun mandat la Syrie une première fois.
Les pieds nickelés se font virer des négociations
La succession d’erreurs diplomatiques françaises n’a pas été du goût des Etats-Unis, assez en retard sur le dossier Syrien. Ceux-ci passent maintenant en première ligne diplomatique pour le règlement de ce dossier qui devra se faire avec la Russie. Cette dernière ayant grillé la politesse à tout le monde est passée à l’offensive militaire après un accord officiel avec Damas.
Lors de la réunion de Vienne, le 23 octobre dernier, organisée par John Kerry et Sergueï Lavrov sur le dossier syrien, avec leurs homologues saoudiens et turques, les européens et Fabius en tête n’ont pas été conviés[2]. Ce dernier, contrarié par cette mise à l’écart, a organisé à Paris une réunion à laquelle n’ont pas été conviés non plus les principaux interlocuteurs que sont la Russie et l’Iran[3].
Cette arrogance de notre Ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, semble déranger nos chers amis américains qui viennent justement d’exhumer quelques turpitudes en sommeil depuis plus de trois ans, de son fils Thomas. Un mandat d’arrêt sur le territoire américain vient d’être établi à son encontre pour une folle nuit à Las Vegas en mai 2012 durant laquelle il a distribué au Casino des chèques en bois pour un montant de 3.5 millions de dollars.
La question qui se pose maintenant : à quoi servent les frappes françaises en Syrie ? Car cette guerre ne pourra se gagner que sur le terrain. Chose que la France n’a ni les moyens, ni l’envie de faire.
Quand on connait le prix exorbitant que coûte à la France une opération aérienne avec arrosage de bombes inutiles, de l’ordre de 300 000€ l’unité et 10 000 € par heure de vol pour un Rafale, en plus de faire des trous dans les sables du désert, il creuse en même temps le trou de la dette. Ou comment faire d’une bombe deux trous.
Denissto et David
[1] Les chemins de Damas, p248
[2] http://www.slate.fr/story/106835/assad-plan-depart-syrie-ignore-occident
[3] https://francais.rt.com/international/9196-nouvelle-reunion-paris-syrie
« il a été démontré par le MIT que l’attaque chimique de la Ghouta en 2014 était imputable aux terroristes modérés »
Pas exactement. Ce qu’a conclu le MIT de ses travaux, c’est que le vecteur est partie d’une zone contrôlée par la rébellion. Çà revient un peu au même car il parait assez improbable qu’un commando un peu suicidaire de l’armée se soit introduit dans cette zone pour un false flag qui ne pouvait que se retourner contre le gouvernement, mais restons factuels.
En fait les bombardements français sont une économie: les bombes sont en fin de vie et les heures de vol sont moins chères que le coût de leur démentèlement