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S’il faut brûler les Eglises en Israël, faut-il aussi brûler le « DisKotel » ? Infos internationales

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Le dirigeant d’un groupe israélien d’extrême droite, Benzi Gosptein, s’opposant à l’intégration judéo-arabe a préconisé mardi de mettre le feu aux mosquées et aux églises en Israël lors d’un débat public.

Selon un enregistrement du débat publié mercredi par le site d’information ultra-orthodoxe Kikar Hashabat, Rabinovitch a demandé de but en blanc à Gopsein s’il plaidait pour l’incendie des églises.

« Selon Maïmonide … », a débuté Gopstein, faisant apparemment allusion au Sage juif du 12ème siècle, « vous devez brûler [les églises], êtes-vous contre Maïmonide ou en faveur de Maïmonide ? ».

Cette déclaration, qui a laissé bouche bée le rabbin qui faisait face à Gopstein, est-elle fondée ? Pour David Banon, auteur d’un article intitulé Guerre imposée et guerre autorisée selon Maïmonide, cela est en partie vrai (nous vous encourageons à lire l’article dans son intégralité pour comprendre les nuances que l’on peut apporter à cette interprétation) :

 

La guerre, pour Rambam [Maïmonide], est l’un des deux modes qui permettent au juif et au judaïsme d’entrer en rapport et en contact avec le monde non-juif – idolâtre et païen. L’autre, c’est l’admonestation et l’éducation (la tentative de persuader, de « civiliser »). Vaincre et/ou convaincre. Cette perspective confère un aspect grave et même dramatique aux rapports d’Israël aux nations, mais à bien y réfléchir et en prenant pour base ces rapports tels qu’ils sont décrits dans la Bible, rapports qui insistent sur « la mission providentielle du peuple élu », on ne sera pas étonné de découvrir que cette polarité irréductible entre l’idolâtrie et le monothéisme juif trouve son expression dans le judaïsme normatif.

Cette polarisation n’a pas été amollie dans la pensée maïmonidienne – au contraire elle a été exacerbée. Pour Maïmonide, le rôle d’Israël est d’éradiquer l’idolâtrie, fût-ce par la violence, car elle est source du dérèglement social (Guide III, 30). Selon J. Heinemann, si, pour Maïmonide, la guerre est permise, c’est bien dans le but exclusif de réaliser cette mission et c’est pourquoi, pour ce spécialiste, la guerre permise est une guerre imposée – ceci donc malgré la distinction que Maïmonide établit entre l’une et l’autre. Cette approche agressive et globale peut choquer surtout si on l’alimente de l’argument maïmonidien concernant la responsabilité irrémissible d’Israël à conduire l’humanité entière au régime noachide.

Ainsi, si Gopstein, nationaliste religieux, se sert de Maïmonide afin de justifier la destruction d’églises ou de mosquées, peut-on étendre son interprétation au Kotel (= mur en hébreux), et demander sa destruction ? En effet, pour certains rabbins et philosophes, le culte du Mur des Lamentations, voir l’existence même d’un État juif, s’apparente à de l’idolâtrie.

Rappelons tout d’abord l’importance du traité Kétoubot 111a, ou Trois Serments, qui interdit aux juifs de s’établir en terre d’Israël avant la venue du messie. Loin d’être une invention des antisionistes comme le prétendent certains rabbins, ces serments ont, selon le professeur Yakov Rabkin, atteint le statut légal (halakhique) vers la fin du Moyen-Âge avec notamment les rabbins Isaac Ben Schechet Perfet de Barcelone (1326-1408) et Salomon Ben Soussan d’Alger (1400-1467) qui utilisèrent ce traité talmudique afin de proscrire l’installation de juifs en Palestine.

Cette loi halakhique, aujourd’hui oubliée de nombreux juifs prétendument « religieux », explique les écrits acerbes du Rabbin Schalom Baer Schneerson, réagissant à la visite de Théodore Hertzl à Jérusalem, et au Mont du Temple, formellement interdite par la loi juive, un chabbat de l’an 1898 :

 

« Il a violé le chabbat en public dans la ville sainte et dans le lieu le plus sacré de Dieu. Son objectif est de mettre en relief et d’étaler leur idéologie impure et corrompue qui proclame que le nationalisme est le vrai judaïsme. Le leader des sionistes a levé l’idole du nationalisme (…) dans le palais de Dieu.« 

Plus proche de nous, le philosophe (en anti-catholique notoire) Yeshayahou Leibowitz, arrivé en Palestine dans les années 30, est devenu après la guerre des Six Jours un ardent opposant des colons (qu’il surnommait « judéo-nazis »), au culte de l’État juif et du Mur des Lamentations, qu’il qualifiait de « DisKotel » (jeu de mot entre discothèque et Kotel) en clamant : « Le culte du mur des Lamentations donne la nausée. C’est de l’idolâtrie ! »

Ainsi, lorsqu’en 1967 les troupes israéliennes arrivent au Mur accompagnées du rabbin Shlomo Goren, Leibowitz qualifie ce dernier de « clown soufflant dans un chofar »

Rav-Goren-shoffar

« La question du peuple juif n’est lié à aucun temple, à aucun mur occidental, je n’ai aucun lien affectif avec les pierres du mauvais roi Hérode. Au contraire toute cette histoire n’est qu’une provocation évidente contre les Arabes. » … affirme-t-il dans son entretien avec mon amie Danielle Storper-Perez, publié dans son livre Au pied du mur.

Enfin, pour paraphraser le philosophe cité par Yakov Rabkin dans son livre « Histoire de l’opposition juive au sionisme », Gopstein ferait partie de ceux qui « prostitue[nt] les valeurs du judaïsme qui consiste à se servir d’elles pour assouvir des pulsions et des intérêts patriotiques« . Il poursuit alors : « S’il se trouve des juifs religieux pour rejoindre le courant nationaliste-occupationniste, et aller jusqu’à faire du « Grand Israël » – et de la guerre par tous les moyens pour atteindre ce but – l’essentiel de leur foi, un commandement religieux, et bien, ces gens-là deviennent les héritiers des adorateurs du veau d’or qui proclamaient « Voici ton Dieu, Israël ».

Ainsi, incarnant à merveille l’adage biblique selon lequel il voit « la paille dans l’œil de son voisin mais point la poutre dans le sien », Benzi Gopstein a ouvert un débat insoluble pour les juifs sionistes contemporains, qui sont, à la lumière du Talmud de Babylone et des écrits de Leibowitz, les premiers des idolâtres en Terre Sainte. Ainsi, celui-ci souhaite appliquer un principe halakhique, qui tient pourtant un caractère « d’exception » (la milhémet mitsva) comme le rappelle David Banon dans son article, mais refuse d’appliquer le principe de la loi juive selon lequel le « retour » des juifs en Palestine ne peut se faire que suite à la venue du Messie.

Commentaires récents

  1. Mata Hari

    Bonjour,
    Ce n’est pas le Rabbin Shoren qui souffle dans le shofar au Kotel, mais le Rabbin Shlomo Goren !

    1. Jonathan Moadab (Agence Info Libre)

      Bonjour et merci de votre attention, navré pour cette coquille c’est corrigé.

  2. MinTakA

    Franchement… bravo pour l’article ! Sincèrement, avec autant de précisions… ça déglingue !

    Juste une question… On parle ici de peuple juif ou de religion juive ? Dans le sens courant, les juifs sont vus et se voient uni culturellement plutôt dans un concept « peuple issu des 10 tribus ». Dans cette dimension, le facteur religieux n’est plus pris en compte… d’où les juifs laïques et athées comme Fincky ou Be Weed Hell (BHL en français).

    Sinon, merci beaucoup pour le billet… et merci pour tout ce que vous faites les gars !

  3. adel

    BRAVO ET MERCI A TOUS FORMIDABLE SAVOIR
    12 TRIBUS

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