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Total avait été la dernière grande compagnie pétrolière occidentale à cesser toute activité en Iran ; elle sera la première à relancer ses affaires avec la République islamique, où elle avait maintenu une représentation à Téhéran depuis 2012.
Après plus de trois ans d’embargo renforcé – levé après l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015 –, un tanker devait quitter le terminal de Kharg, dans le golfe Persique, lundi 15 février, pour acheminer sa cargaison de brut vers l’Europe, a annoncé Rokneddin Javadi, le vice-ministre iranien du pétrole. Deux autres suivront, affrétés par le raffineur espagnol Cepsa et par la société Litasco, filiale du pétrolier russe Lukoil.
Total a préféré ne pas confirmer l’information. Mais fin janvier, lors de la visite en France du président iranien, Hassan Rohani, le PDG du groupe tricolore, Patrick Pouyanné, s’était entretenu avec lui des perspectives de l’entreprise en Iran.
Cet entretien avait été suivi de la signature d’un accord-cadre pour l’achat de brut destiné aux raffineries françaises et européennes, ainsi que d’une lettre d’intention entre la National Iranian Oil Company (NIOC) et la major française permettant à celle-ci d’accéder à des données techniques pour apprécier le potentiel de développement de champs d’hydrocarbures en Iran.
Dès la levée des sanctions, mi-janvier – après inspection des sites nucléaires de la République islamique par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) –, l’Iran a tout fait pour reprendre ses exportations au plus vite, en dépit de l’engorgement du marché et d’un prix du baril tombé sous les 30 dollars. Vers l’Asie où le pays continuait à vendre du brut, et surtout vers l’Europe, avec laquelle un embargo empêchait tout acheminement d’hydrocarbures depuis quatre ans.
La production iranienne aurait déjà augmenté de 400 000 barils par jour, et son objectif affiché est de 500 000 barils à court terme pour une production supplémentaire d’1 million d’ici à la fin de l’année. Le pays retrouverait ainsi la production quotidienne qui était la sienne avant le renforcement des sanctions occidentales (soit 3,8 millions de barils).
« Un potentiel considérable »
L’exportation n’a pu commencer qu’une fois la certitude acquise par la NIOC et ses clients que ces cargaisons pétrolières étaient bien assurées. Et que les compagnies d’assurances ne tomberaient pas sous le coût des sanctions américaines. Les Etats-Unis en ont, en effet, maintenu de nombreuses sur les transactions financières avec la République islamique. Washington a autorisé, à la mi-janvier, de telles couvertures pour les transporteurs non-américains, a indiqué The American Club, l’association d’assureurs couvrant les propriétaires de navires.
« L’Iran dispose d’un potentiel considérable », rappelle Olivier Appert, senior advisor à l’Institut français des relations internationales (IFRI) ex-PDG de l’Institut français du pétrole Energies Nouvelles (Ifpen). L’embargo a, selon lui, entraîné une baisse des exportations d’1 million de barils par jour depuis 2011, par ailleurs réduites par l’accroissement de la consommation intérieure (+ 30 % en dix ans). « L’augmentation passera, dans l’immédiat, par la mise sur le marché de stocks existant [estimés à 50 millions de barils], puis par l’augmentation de la production des gisements existants. »
Nombreuses hypothèques
A moyen-long terme, les gisements d’Ahvaz, de Yadaravan et surtout d’Azadegan peuvent permettre à Téhéran de retrouver le niveau de près de 6 millions de barils par jour atteint à la veille de la Révolution islamique de 1979.