Le Professeur Faurisson a bien voulu commenter "La république des censeurs" dans Rivarol et dans une interview donnée à l'Agence Info Libre .
Voici ma réponse:
M Faurisson,
J'ai toujours trouvé scandaleuses les attaques physiques et juridiques dont vous avez été l'objet et je vous reconnais un grand courage. Mais, pour moi, le courage n'est pas une vertu en soi. Les soldats allemands à la fin de la guerre, les membres de l'OAS, et même les soldats américains au Vietnam faisaient preuve de courage, mais je n'admire pas leurs actions. Je fais cette remarque en général, pas nécessairement pour vous.
Pour ce qui est de mon manque de courage, je n'en parlerai pas-je m'intéresse aux idées, pas aux personnes, même s'il s'agit de moi. Dans "La république des censeurs", j'ai dit ce que je voulais dire, ni plus, ni moins. Vous semblez me reprocher de ne pas aller plus loin et de ne pas défendre vos thèses; notez que je ne défends ni ne critique les thèses de qui que ce soit dans ce livre, pas même celles de mes amis politiques. Je me limite à discuter les problèmes que rencontrent les censeurs, à savoir les deux poids deux mesures, ou la nécessité d'étendre sans cesse le champ d'application de la censure. Je le fais souvent en adoptant le point de vue que les censeurs prétendent défendre.
Nombreux sont les gens qui me reprocheront plutôt de ne pas avoir critiqué vos thèses. Il n'est pas question que je le fasse, entre autres parce que je refuse de critiquer quelqu'un qui n'est pas libre de se défendre.
J'ai utilisé le terme "négationniste" mais en soulignant que ce terme était dû à vos adversaires et que vous vous appelez vous-même révisionniste.
Je vous remercie de votre "magnanimité" (qui se manifeste dans le fait que vous me critiquez), mais je ne compte pas l'utiliser: je veux défendre ce que je dis, indépendamment de ce que d'autres en disent, en bien ou en mal.
Je pense avoir donné tous les arguments possibles en faveur d'un débat totalement libre sur la Seconde Guerre mondiale et la Shoah. Mais si, ce qui arrivera sans doute un jour (toutes les censures étant mortelles), ce débat devait avoir lieu, je n'y participerais pas. Je ne suis pas historien et je ne veux pas me substituer à ceux qui font des recherches historiques.
En ce qui concerne le fond, je note un point commun entre certains de vos partisans et de vos adversaires: l'idée que l'existence des chambres à gaz est d'une importance capitale. Pour vos adversaires, soit parce qu'ils pensent que rien de moins net ne leur permettrait de "haïr" le nazisme, soit parce qu'ils utilisent les chambres à gaz comme arme d'intimidation massive au service de certaines causes politiques. Je rejette ces deux façons de procéder; en particulier, je rejette la notion de culpabilité collective (même pour les Allemands en 1945). De plus, l'idée qu'une telle culpabilité soit transmissible aux descendants est carrément religieuse.
Vous dites être apolitique et vous intéresser uniquement à l'histoire. Soit; mais bon nombre de gens qui soutiennent vos thèses ont clairement un agenda politique, que je ne partage nullement (ne pratiquant pas la culpabilité par association, je ne vous reproche pas ce fait, mais je le constate). Il n'est d'ailleurs pas surprenant que des gens qui consacrent leur vie au révisionnisme, en dépit les persécutions dont ils sont victimes, aient des motivations politiques et pas seulement intellectuelles.
De telles motivations peuvent aller d'une réhabilitation du 3ème Reich chez Vincent Reynouard à la nostalgie pour certains combats perdus du passé (Collaboration ou Algérie française) ou à l'hostilité aux féministes, aux homosexuels, aux juifs etc. En général, j'observe chez certains de vos partisans une opposition aux avancées démocratiques réalisées depuis la défaite du nazisme (et grâce à cette défaite). Pour s'en convaincre, on peut lire Rivarol.
Pour ce qui est du "fascisme" (au sens large du terme), j'observe que, malgré la crise terrible qu'ils traversent, peu de gens au Portugal ou en Espagne souhaitent revenir aux régimes de Salazar ou de Franco, bien que ces régimes n'ont jamais été accusés d'avoir gazé qui que ce soit, et n'ont même pas participé sérieusement à la guerre. Il semble donc qu'il y a des raisons de ne pas aimer le "fascisme" indépendantes de l'histoire des chambres à gaz. Et ce n'est pas parce que beaucoup de jeunes français aiment Dieudonné qu'ils sont prêts à se mettre en rang pour chanter "Maréchal nous voilà!".
En ce qui me concerne, ce n'est pas par sympathie pour des régimes où serait censurée (par exemple) la "physique juive" (celle d'Einstein) que j'objecte à la censure qui vous frappe. Même remarque en ce qui concerne les régimes religieux, chrétiens ou musulmans, où je ne pourrais sûrement pas dire ce que je pense des religions. La liberté d'expression, je la défends aussi pour les athées, les homosexuels, et les "sionistes", réels ou supposés.
Vous me direz sans doute que tout cela n'a rien à voir avec les chambres à gaz. Bien sûr, mais c'est exactement ce que je veux souligner: rien dans la France actuelle n'a, en réalité, quoi que ce soit à voir avec les chambres à gaz, Hitler ou le nazisme. Et cette histoire ne devrait pas être invoquée, ni dans un sens (instrumentalisation de la "mémoire"), ni dans l'autre (abolition des conquêtes démocratiques obtenues depuis 1945 en démolissant le "mythe des chambres à gaz"). La politique doit être fondée sur une analyse de la réalité contemporaine et pas sur ce que l'on pense du passé.
Prenons la religion- vous serez sans doute d'accord avec moi pour constater qu'il n'existe aucun argument valide en faveur des croyances religieuses. Pourtant, il serait absurde de vouloir interdire aux gens de croire toutes sortes de choses bizarres. Tout ce qu'on demande, et c'est en cela que consiste la laïcité, c'est de faire en sorte que ces croyances restent dans la sphère privée et n'envahissent pas l'espace public. Je ne vais pas parler de "croyance" pour la Shoah, mais d'exploitation politique; et c'est à cela que j'objecte. Je souhaite qu'on se débarrasse de cette exploitation et qu'on laisse l'histoire à ceux qui l'étudient.
De ce point de vue, la liberté d'expression a une importance politique cruciale, comme défense de la laïcité. On ne peut pas considérer comme laïc un état dans lequel on a donné à des groupuscules (les organisations antiracistes) le droit de poursuivre et d'intimider qui bon leur semble. Le révisionnisme historique, par contre, n'est pas une question politique mais factuelle et doit être laissée aux spécialistes.
Je note que l'actuel président iranien, tout comme le Front national, semblent avoir laissé tomber le débat sur les chambres à gaz, même si le FN est probablement toujours opposé en principe à la censure. Mais ils ont sans doute choisi de faire primer la politique sur l'histoire.
Je constate aussi qu'en Amérique latine se mène de nos jours une lutte exemplaire contre l'hégémonie américaine, hégémonie qui est évidemment soutenue ici et là-bas par les sionistes. Mais je ne vois nulle part dans cette lutte de discussion sur les chambres à gaz ou d'hostilité aux juifs en tant que tels. Et il n'y a évidemment dans cette partie du monde aucune nostalgie pour les régimes autoritaires du passé; de plus, même les dirigeants qui se disent chrétiens (comme Chavez) sont opposés au cléricalisme.
En Angleterre et aux Etats-Unis la lutte, menée en partie par la population, contre la guerre en Syrie et pour des négociations avec l'Iran (lutte qui est loin d'être gagnée, mais elle a été au moins amorcée), a été une défaite majeure du lobby pro-israélien et de leurs idiots utiles, les "défenseurs des droits de l'homme". Mais je n'ai vu nulle part mentionner, dans ce combat, les chambres à gaz, ou la Seconde Guerre mondiale ou même les juifs en tant que tels. C'est parce que là on vit dans le réel et non dans le fantasme, mais, aussi parce qu'il n'y a pas là, contrairement à la France, une gauche imbécile qui considère comme "progressiste" l'extension indéfinie de la censure.
En France, par contre, où le gouvernement est sans doute aujourd'hui le plus belliciste au monde (compte tenu des capacités militaires du pays) et se dévoue totalement à la "défense" d'Israël, j'entends souvent parler de "valeurs" (traditionnelles ou religieuses), mais il n'existe aucun mouvement de paix organisé ni aucune solidarité effective avec la Palestine.
Bref, je veux combattre les insuffisances bien réelles de notre démocratie par plus de démocratie, pas moins. Et pour ce qui est de votre sujet de prédilection, je pense que, sans la loi Gayssot ou les autres persécutions dont vous êtes l'objet, il perdrait énormément de son intérêt. Quant à moi, je me réjouirais à la fois qu'on vous rende votre liberté et qu'on permette à d'autres, comme à moi, de nous occuper du présent sans vivre sous le joug du passé.